Les pieds dans le sable, pour l’ouverture sur le DPM

11 mai 2022

Avez-vous remarqué cette odeur particulière flottant dans l’air ? Oui, c’est bien ça… ça sent l’ouverture ! Alors, ouvrez bien vos yeux car nous avons interrogé 4 cadors de la chasse aux limicoles sur le DPM et ils nous livrent bien des conseils…et même quelques secrets…

Encore quelques jours, et les « siffleux » des départements côtiers du littoral de la Manche pourront à nouveau courir les grèves en quête de ces élégants échassiers que sont les limicoles.  Une chasse souvent synonyme de sauve bredouille, peu onéreuse, et qui de fait attire ici de nombreux jeunes adeptes. A l’occasion du Salon des Migrateurs, nous avons rencontré quelques-uns de ces passionnés qui n’ont de novice que leur état-civil.

Commençons par Pierre Caron ! Du haut de ses 17 ans, de benjamin il n’en a que l’air.Originaire du Pas-de-Calais, d’Arras pour être précis, il marche dans les pas de ses aïeux depuis qu’il tient debout sur ses jambes.  Depuis 2 ans, il tient un fusil sur les rives sud de la baie d’Authie.

« Parfois, je chasse les limicoles à la botte devant moi, mais le plus souvent c’est sur la mare au pied de la hutte, explique Pierre. Les oiseaux les plus communs sont le « pattes rouges » et le « pattes vertes », mais nous trouvons à peu près toutes les espèces chassables : courlis courlieu, bécasseau maubèche, huitrier-pie, barge rousse que je siffle ! J’ai découvert la technique avec un copain, à l’occasion d’un ball-trap de campagne, alors que j’avais tout juste 14 ans. Je me suis dit « : « Tu dois y arriver ! ». Je me suis entrainé sans cesse, jusqu’à siffler de manière tout à fait convenable la plupart des espèces. Deux espèces me passionnent particulièrement. Il s’agit d’abord du « pattes rouges », oiseau élégant, présent en densité importante, et qui vient plutôt bien au sifflet. Et puis, il y a le chevalier arlequin. C’est un oiseau beaucoup plus rare mais qui possède un chant tout juste magnifique. J’ai eu la chance, la saison passée, d’en prélever un qui avait été préalablement bagué en Belgique. Pour réussir à dompter les limicoles, il faut s’équiper ! L’avantage de cette chasse est qu’elle est peu chère à pratiquer. 10 formes piquées en 2 paquets de 5, tout en laissant une surface de pose dans le milieu, sont largement suffisantes pour pouvoir commencer. Le mieux étant si possible d’ajouter un leurre animé de type flapper ou ailes tournantes. »

« Cette chasse nécessite plus d’observation et de savoir que de matériel ! »

Le second siffleux interrogé à quelques jours de l’ouverture, il n’est guère besoin de le présenter. Il s’agit de Victor Gobert qui, à 23 ans, a gagné plusieurs fois le concours dédié à la discipline. Lui aussi chasse en Baie d’Authie… et ce, avec brio !

« Généralement, je pratique en pied de hutte pour chasser les chevaliers aboyeurs, les gambettes et les combattants ; mais aussi les « cotterets », explique Victor. Quand je vais sur le sable, près de la mer, c’est avant tout pour essayer de prélever quelques « pies de mer ». Mon père m’a appris à siffler dès l’âge de 14 ans. Je sais à peu près siffler toutes les espèces, y compris celles protégées, pour le seul plaisir de les voir venir me répondre. Le chevalier aboyeur est sans nul doute mon oiseau préféré. C’est oiseau super plaisant à siffler. Avec l’habitude, j’en fais à peu près ce que je veux. Ils me répondent quasiment à tous les coups, et il m’arrive même d’en faire poser à moins de 2 mètres. Cette chasse nécessite plus d’observation et de savoir que de matériel. Avec 5 ou 6 blettes vous pouvez commencer à chasser. Il faut les piquer en les laissant à environ 1m20 de la surface. Pour qui ne sait pas siffler, je conseille un appeau « noir 6 en 1 ». Il faut, c’est vrai, apprendre à s’en servir, mais avec les vidéos en ligne et un peu d’entrainement, c’est assez simple. »

Florent Bulot a, 23 ans comme Victor Gobert et les deux chasseurs possèdent également le même amour pour la Baie d’Authie. Cependant, Florent a la particularité de ne pas être issu d’une famille de chasseurs.

« J’ai toujours eu un penchant pour la nature, souligne Florent. La chasse, je l’ai découverte à l’âge de 7 ans, grâce au patron de mon père qui m’emmenait de temps à autre. Plus tard, j’ai dévoré les magazines et les vidéos sur le sujet. Et puis, il y a eu les copains qui m’ont entrainé avec eux. Les limicoles en baie d’Authie, au nord comme au sud, c’est vraiment devenu ma chasse. Le jour de l’ouverture, je chasse systématiquement les « pies de mer » au trou.« Pieds rouges », chevalier aboyeur, pluviers dorés et argentés, barge rousse, « pie de mer », etc…tous me fascinent. Je les chasse principalement sur la mare, en pied de hutte, ou encore parfois dans des petites criques. J’utilise une petite vingtaine de blettes, principalement chevalier combattant, courlis courlieu et barge rousse. A cela, j’ajoute deux ailes tournantes de type Mojo. Contrairement à pas mal de jeunes chasseurs du cru, je ne sais pas siffler avec les doigts, je n’ai en fait jamais appris. J’utilise donc des appeaux que je sais aujourd’hui maitriser. J’ai toujours avec moi un « 6 en 1 », plus un modèle vanneau et un modèle bécassine. Le « pieds rouges » est mo oiseau de prédilection. C’est certainement celui que j’appelle le mieux. Je maitrise tous ses cris, si différents selon ses attitudes : vol, pose. Et puis, bien qu’il soit sous moratoire, je suis fasciné par le courlis cendré. Quel bel oiseau à faire venir, juste pour le plaisir des yeux. La chasse des limicoles est une école de patience.  Il faut passer selon moi beaucoup de temps à observer, même hors période de chasse. Il convient également de bien surveiller les horaires de marées pour la chasse et la sécurité.  Coté équipement, pour débuter une dizaine de plastiques de chevalier combattant suffisent. Vous ajoutez un Mojo, et c’est réglé ! »

Sur le sable, mais sans fusil !

23 printemps semble être l’âge parfait pour être au sommet de son art ! C’est encore l’âge de notre dernier intervenant : Romain Melis… Cette année, il fera l’ouverture sans fusil, mais sera sur le terrain pour siffler et ainsi attirer les oiseaux pour ses copains.

« Je crois que, dans la famille, nous avons toujours chassé, explique Romain. Des générations et des générations de sauvaginiers. Évidemment, je n’avais guère d’autre choix que de tomber dans la marmite tout petit ! Je chasse le canard, bien sûr, mais je voue une réelle passion aux limicoles. A l’ouverture, je prends rarement un fusil. Le fait de siffler et de ramener une belle volée au-dessus de la tête de mes copains suffit largement à mon plaisir. Surtout quand je vois les sourires sur leurs visages. Mieux encore, quand ils en décrochent quelques-uns, je me régale de voir mon labrador travailler au rapport. Sans surprise, c’est mon père qui m’a montré les bases techniques pour siffler et notamment comment savoir placer mes doigts. J’avais en moi cette folle envie de parler aux oiseaux. C’est vraiment mon truc. Alors j’ai regardé beaucoup de vidéos, et j’ai essayé encore et encore jusqu’à ce qu’un son finisse par sortir. Mais ce n’est là que début. Ensuite, il faut passer beaucoup de temps sur le terrain à observer et surtout écouter. Bien différencier les chants selon les espèces, mais aussi – et c’est plus difficile – selon ce que veulent dire les oiseaux, la crainte, la pose, et bien d’autres cris. Je passe mes soirées d’été, caché dans les roseaux, à siffler juste pour le plaisir de voir voler au plus près et de faire poser ces si jolis oiseaux. Et soyez sûr que j’en apprends encore à chaque fois. J’aime tous les limicoles, mais l’un d’entre eux me fascine tout particulièrement, le gambette. C’est pour moi le plus expressif de tous les limicoles. Si tu sais bien l’imiter, il te répond dans l’instant. Et puis, c’est un vrai charmeur. Il m’arrive parfois de le faire poser à tout juste 3 mètres de moi. Pour chasser ces oiseaux, il est inutile d’acheter un fusil si tu n’es pas passionné. Car, avant tout, il faut être respectueux de ces oiseaux migrateurs dont certains parcourent des milliers de kilomètres. Il est par conséquent important de savoir limiter ses prélèvements. Il faut à la fois être humble et courageux, savoir en permanence se remettre en question. Enfin, il faut préparer sa chasse, c’est 80% de la réussite ; s’informer des marées, des conditions météo, et connaitre les oiseaux sur le bout des doigts en fonction de la période. Pour faire simple, si tu chasses sur un flux d’arrivage, tu peux piquer plus de blettes, et mettre quelques ailes tournantes. A contrario, si tu chasses des oiseaux stationnés depuis 15 jours, tu diminues les plastiques et tu enlèves les Mojos. »

N’est-elle pas fabuleuse notre jeunesse ? Si, et cerise sur le gâteau, elle se veut passionnée, respectueuse et performante ! Quoi qu’il en soit, au fil de de ces témoignages, vous aurez glané de précieux conseils pour réussir votre ouverture aux limicoles ! Nous vous la souhaitons merveilleuse tout comme le reste de votre saison.

Jean-Christophe Taillefer / Benjamin Basset

Au doigt…ou à la patte (encadré)

Romain Melis, l’un de nos quatre passionnés, nous conte ce qui fut sans doute son plus beau souvenir de coureur de grève.

« J’avais invité un couple d’amis à venir chasser 3 jours en baie avec moi. Une toute première expérience, pour l’un comme pour l’autre. Les deux envisageaient de se marier sous peu. Sur le ton de la plaisanterie, j’avais dit à mon copain : « Je te parie que je t’offre une bague avant ta femme ! ». Le dernier après-midi, j’aperçois une boule de près de 300 gambettes arrivant du phare de Berck. Caché du mieux possible, je commence à les appeler en imitant un cri de parade. Le voilier répond avant de fondre littéralement sur nous. Au tout dernier moment, je donne l’ordre de tir. Un maigre résultat, puisque seulement 4 oiseaux sont prélevés sur la bande. Aussitôt, nous ramassons les 3 tombés devant nous, tandis que le fils de mes amis court pour rapporter le dernier décroché en bout de mare. Sur le même ton rigolard, je répète à mon copain : « Ce sera l’oiseau bagué », sans penser le moindre instant que cela puisse être le cas. Aussi, notre surprise fut grande quand le petit revint avec ce « pattes rouges » porteur d’un anneau. Que d’émotions !!! »

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